Editorial

Que le meilleur perde

© D.R

Quand on évoque l’idée de concurrence cela appelle, immédiatement, et tout de suite une autre notion, celle de la loyauté. On ne sait pas pourquoi ces deux concepts se sont trouvés automatiquement et définitivement liés, au point où des expressions comme « concurrence loyale » ou « concurrence déloyale » semblent avoir la même vie intime dans notre langage. L’un éclaire l’autre, lui donne de l’ampleur, du sens et même une caractéristique morale finalement assez inquiétante.
La loyauté peut exister d’une manière autonome. Elle n’a pas besoin que l’on lui accole un adjectif quelconque pour la renforcer, la soutenir et l’éclairer. Par contre la concurrence, elle, semble fragile. Elle a toujours besoin d’un attribut, d’un complément de sens pour lever toute équivoque pouvant la concerner. Cette suspicion permanente, la concurrence la porte en elle d’une manière presque génétique. La concurrence ne peut être que loyale ou déloyale. Elle ne peut pas exister toute seule en tant que telle. C’est un paradoxe bizarre et assez pathétique.
L’installation par le Premier ministre des membres de conseil de la concurrence nous donne, outre l’occasion de féliciter ces personnalités aux compétences indiscutables, elle nous offre l’opportunité de disserter sur ce qui est, en apparence seulement, un sujet peu amène.
Nous n’avons pas une culture de la concurrence dans notre pays. C’est un fait avéré. Quand celle-ci existe, elle est souvent déloyale. C’est incontestable. C’est sur cette réalité-ci que doit agir le Conseil. Mais là, nous sommes face à une loi qui doit être respectée et appliquée tous les jours. Un vrai chantier, tellement la déloyauté dans le commerce des marchandises, et peut être des idées, est une pratique dominante.
Chez nous on ne compare pas les produits sur la base de leurs normes ou de leurs qualités, on insulte ceux qui les conçoivent et qui les fabriquent, c’est plus simple. On ne vante pas les qualités d’un service offert au public en tenant compte de son professionnalisme, non on jette l’opprobre sur ceux qui travaillent, c’est plus efficace. On n’améliore pas la qualité, on casse les prix pour couler le voisin. On n’est pas créatif, on vole les idées des autres, c’est plus reposant. On ne relève pas un défi industriel, ou même intellectuel, on essaie d’intimider le concurrent. Voilà le paysage dans lequel s’installe notre Conseil de la concurrence. Le moins que l’on puisse dire c’est que sur ce sujet, aussi, tout est à faire. Les freins dans ce domaine particulier sont plus solides qu’ailleurs, car ils relèvent d’une mentalité enkystée, nourrie par la fraude et la malhonnêteté. L’important chez nous n’est-il pas que le meilleur perde ?
Éduquer, informer et punir par la loi. C’est à travers cette pédagogie que la morale et l’éthique peuvent se frayer un chemin dans l’univers impitoyable des affaires.

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