Entretien

Un café avec Said Naciri, humoriste

© D.R

On a remarqué que vous vous intéressez de plus en plus à la politique. Est-ce parce que, comme vous le dites dans l’un de vos spectacles, Abdelillah Benkirane vous fait concurrence en tant qu’humoriste ?

A un certain moment les talents d’humoriste de M. Benkirane, pour lequel j’ai beaucoup de respect, se manifestaient particulièrement et même dans des situations très sérieuses. Au départ, ses blagues nous ont fait rire, mais certaines de ses décisions ont fini par nous faire pleurer. (rires). C’est tout de même très drôle ce qu’il nous a fait subir. Par exemple, il a  promis d’accorder 1300Dh aux  femmes divorcées. Du coup, il nous retire, à nous les hommes, les 1300dh ! Résultat : on divorce,  on se retrouve sans argent et avec plus de femmes divorcées au final ! (Rires).

Mais qu’est-ce que vous avez contre ce gouvernement ?

Regardez et jugez par vous-même… Pendant toute cette période de suspens marquée par le retrait des istiqlaliens, par les négociations de M. Benkirane avec l’opposition puis avec le RNI, on a eu l’impression que le gouvernement n’existait plus. Et malgré cela, le pays fonctionnait. Mais dès que la nouvelle équipe a été désignée, elle est arrivée avec son lot de complications et d’augmentations. Alors, la question est : Est-ce qu’on a vraiment besoin d’un gouvernement ? Moi, je préfère rester peinard, sans problème, donc sans gouvernement (rires).

 Intéressant… Vous êtes donc humoriste et opposant politique ?

Je suis un simple citoyen, un artiste qui voit les choses avec un regard diffèrent. Je m’inspire de ce qu’on rapporte dans la presse et je le retravaille pour en faire rire. L’humour ça sert à se faire plaisir, mais aussi à souligner des phénomènes ou des fractures sociales. Le but n’est jamais de faire mal ou de se moquer des gens. L’éthique de l’humour est de faire rire de soi-même et de respecter l’autre.

Avouez tout de même que vous vous acharnez un peu sur Benkirane, non ?

Le politique a besoin de l’humoriste. Quand Thierry le Luron est mort,  Mitterrand a dit: « le miroir où je voyais mes défauts s’est brisé ». D’ailleurs, c’est grâce à moi que Abdelillah Benkirane ne répète plus sa fameuse phrase « Fhamtini oula la » ( m’avez vous compris ou pas ?)  (rires).

Non mais, sérieusement, c’est aussi en partie grâce au soutien de Chabat que vous avez pu organiser votre spectacle dans un terrain de foot à Fes, la semaine dernière.

C’est vrai que M. Chabat ,en tant que maire de ville, a facilité aux organisateurs de mon spectacle la mise à disposition du terrain Hassan II de Fès. J’avais aussi participé à un événement organisé par la jeunesse istiqlalienne, mais ça ne fait pas pour autant de moi son allié. Je fais mon spectacle, basta… Il se trouve que celui-ci s’inspire de l’actualité politique, mais je  ne m’oppose à aucune figure politique particulière. Tout le monde y passe, de Benkirane à Chabat en passant par Mezouar et les autres. Cela s’explique du fait qu’il y a souvent matière à ironie dans la politique.

Allez! Une blague sur Chabat pour vous racheter auprès de Benkirane !

Vous voulez une autre blague ? Venez voir mon spectacle ! (Rires). Pour Chabat, je dis dans mon « Gouvernement Show II », que la hausse des prix à la pompe n’était qu’un règlement de compte avec certains cadres de l’Istiqlal amateurs de voitures de luxe grandes consommatrices de carburant. J’ajoute que contrariés par cette hausse, ils ont décidé de ne se servir que de bicyclettes, se disant que Chabat s’y connaît bien en vélo. Rien de méchant… ( rires)

 Si vous n’étiez pas comédien, vous seriez…

Je serais gardien, ça rime  avec comédien. Gardien de nuit, je précise. Certes, c’est un métier dangereux et sous-payé, mais rester éveillé la nuit, dans le calme, alors que tout le monde dort, donne l’impression d’être vivant. C’est une sensation  particulière et inspirante pour toute personne créative.

Pourquoi pas ministre ?

Non merci ! On en a déjà 39, alors que la Chine populaire toute entière en a 27 et que la Suisse n’en a que 8 ! Qu’on me donne juste un théâtre où je pourrais produire mes spectacles.

 Allez ! Vous avez une minute pour faire votre promo’…

Cette année, j’ai produit moi-même, sans aucun soutien, deux de mes films. Il s’agit pour moi d’un exploit. L’un de ces films, « Sara » sera projeté en avant-première au festival de Marrakech. Je poursuis aussi ma tournée dans tout le Maroc avec mon spectacle « Gouvernement Show II ». Après Fès, qui a drainé plusieurs milliers de spectateurs, je prévois une escale à Rabat, Casablanca et Marrakech.