Cette opération spectaculaire, au cœur de l’industrie automobile européenne, a fait l’objet d’un «accord définitif» scellé entre Tata Motors et Ford et «comprend l’acquisition des marques, usines et droits de propriété intellectuelle» de Jaguar et de Land Rover, selon un communiqué du groupe indien. Le montant total payé en liquide par Tata Motors «sera d’environ 2,3 milliards de dollars» et le transfert de propriété devrait être bouclé d’ici à la fin du prochain trimestre, une fois obtenues toutes les autorisations des institutions chargées de la concurrence.
Ford contribuera aussi à hauteur de 600 millions de dollars au financement des fonds de retraite de ses ex-filiales anglaises, précise le communiqué, ce que Ford a confirmé.
Le président du conglomérat Tata, Ratan Tata, a exprimé son «immense respect pour les deux marques» et promis tous ses «efforts pour préserver leur héritage, leur compétitivité et maintenir leurs identités intactes». Le PDG de Ford, Alan Mulally a répondu que «Jaguar et Land Rover étaient des marques fantastiques», que Ford y avait laissé son «empreinte» et que «les produits, usines et équipes continueront de prospérer sous la direction de Tata». Le puissant syndicat britannique Unite, qui depuis des mois s’était dit favorable à l’opération, a cependant regretté que Ford n’ait pas voulu conserver une participation dans ces deux symboles historiques de l’automobile anglaise. Le géant américain, en difficulté, va se «concentrer sur l’intégration mondiale de sa marque Ford (…) afin de dégager une croissance rentable pour tous», a dit son patron. Ford continuera tout de même de fournir pour ses deux ex-marques des éléments de moteurs et d’autres composants et fera des transferts de technologies. L’américain avait acquis Jaguar en 1989 pour 1,6 milliard de livres (2,1 milliards d’euros) et Land Rover en 2000 pour 1,7 milliard de livres et, souhaitant les revendre, il avait désigné en janvier Tata Motors comme son acheteur favori.
Pour financer ces rachats, Tata a annoncé en mars la levée d’un milliard de dollars. En s’emparant de ces deux constructeurs prestigieux, l’indien fait une nouvelle percée en Grande-Bretagne après l’acquisition du producteur d’acier anglo-néerlandais Corus, enlevé en janvier 2007 pour plus de 10 milliards d’euros.
Il se propulse aussi dans les voitures haut de gamme où il n’a aucune expérience. Tata Motors, premier constructeur indien de camions et d’autocars, s’est lancé dans la production automobile en 1999 avec une petite voiture rudimentaire, l’Indica. Surtout, Tata Motors a dévoilé en janvier la Nano, la voiture la moins chère du monde, à 2.500 dollars, dont il espère écouler un million d’exemplaires en Inde et dans les autres pays émergents. La sortie de la Nano s’inscrit dans un contexte de compétition internationale en Inde pour y produire un véhicule très bon marché, un secteur sur lequel lorgnent Renault, Nissan et l’indien Xenitis allié au chinois Guangzhou Motors.
Pour compter dans l’automobile, Tata a besoin de nouvelles technologies afin de résister aux mastodontes étrangers comme General Motors et Renault qui ont fait de lourds investissements en Inde, un marché en plein essor.
Selon des analystes, la reprise de Jaguar et Land Rover intervient au bon moment pour Tata, les investissements importants de Ford commençant à porter leurs fruits : Land Rover a renoué avec les bénéfices et Jaguar pourrait bientôt revenir dans le vert. Mais ces achats surviennent aussi au moment où le ralentissement économique mondial, en particulier aux Etats-Unis, pèse sur le marché des voitures haut de gamme.