La Société Générale interroge l’art

«La peinture, un art contemporain ?» est la question qui a été débattue mardi 3 févier lors l’une des tables rondes autour de l’art organisées par la Société Générale à Casablanca et qui a réuni d’éminents intervenants notamment, le critique d’art, Aziz Daki, l‘artiste contemporain Hassan Darsi, le professeur universitaire Moulim El Aroussi, le responsable du mécénat culturel à Société Générale Mohamed Rachdi et l’artiste-peintre Abdelkébir Rabi’. S’inscrivant dans le cadre de l’exposition de ce dernier à l’espace d’art de la Société Générale qui se poursuit jusqu’au 30 avril, cette table ronde parmi d’autres à venir a pour mission d’œuvrer pour une meilleure connaissance de l’art dans la scène nationale. Pour introduire ce débat enrichi par un diaporama exposant les diverses pistes explorées tout au long de l’histoire de la peinture, Mohamed Rachdi a rappelé le bouleversement du statut de la peinture à la fin du 19ème siècle produit par l’apparition de la photographie. Selon Moulim El Aroussi modérateur de cette rencontre, «la peinture est une pratique qui normalement émane de la profondeur et qui se base sur une démarche à la limite de la spiritualité alors qu’en face il y a ce qu’on appelle l’art contemporain et qui lui joue sur la dérision et la désacralisation». Pour sa part, Aziz Daki a tenu à éviter l’équivoque qui pourrait laisser entendre qu’il existe une hiérarchisation entre la peinture et l’art contemporain qui se distingue par son aspect formel (vidéo, installations, performances, nouveaux concepts) et sa démarche. «Mais les artistes contemporains dont la majorité se réclament de l’héritage de Marcel Duchand qui a abandonné la peinture pour passer à autre chose ont plus au moins une position de méfiance, parfois carrément de mépris par rapport à la peinture», a-t-il précisé. Par ailleurs, M. El Aroussi a noté quelques concepts abandonnés par les artistes contemporains: «Quand le peintre parle de «création», l’artistes contemporain évoque lui «l’innovation», renvoyant le mot «création» à son origine religieuse, alors que lui est casseur d’icônes, iconoclaste. Pour Hassan Darsi : «L’innovation n’existe pas c’est une manipulation gigantesque. La raison de l’art d’être contemporain est justement cette force de transmettre le savoir, l’émotion et l’humanisme. Et d’ajouter : «L’art est la négation de la mort comment peut-on alors dire que la peinture est morte. Le problème de la peinture est qu’elle a été dictée comme un programme, presque politique avec cette dimension de manipulation. La peinture est contemporaine parce qu’elle se déprogramme elle-même».
M. Rachdi quant a lui, n’a pas manqué de souligner que cette «invention de nouveaux langages, de nouvelles formes ne s’est pas faite sans recours à d’autres traditions à d’autres ères civilisationelles». «Le cubisme n’est possible que parce que Picasso a regardé l’art africain. Le fauvisme n’est possible que parce Matisse et d’autres ont regardé la miniature arabe et l’art asiatique entre autres». Selon Abdelkébir Rabi’, «toutes ces avant-gardes du début du 20ème siècle font désormais partie de l’histoire. L’art contemporain a vécu plus d’un demi-siècle. Qu’en restera-t-il quand on aura inventé un autre mot pour désigner l’art de demain. Que va retenir l’histoire et quel jugement portera t-elle sur cet art qui est fait essentiellement de concepts, d’éphémères et d’événementiels».
Et de conclure : «ne sommes-nous pas à la veille d’un grand changement. La crise économique actuelle épargnera-t-elle cet art spéculatif du soutien actif d’acteurs économiques et culturels puissants ?»