Culture

Majda, une voix dédiée au Malhoune

© D.R

ALM : Cela fait plus d’une année que votre album consacré au Malhoune est prêt, mais il n’est toujours pas mis en vente. À quoi est dû ce retard ?
Majda El Yahyaoui : Vous savez, la décision de mettre cet album sur le marché ne dépend pas seulement de moi. C’est la maison de production qui a, en fait, le dernier mot. Et puisque l’investissement dans ce domaine est une affaire à haut risque, commercialiser un album au Maroc est assimilé à une pure et simple aventure. Il faut tout de même noter que c’est un problème qui concerne l’ensemble de la production artistique au Maroc. Qui de nos producteurs risquera d’investir davantage dans ce secteur ?
Comment peuvent-ils continuer à encourager l’art tandis que ces pirates, de plus en plus nombreux, sont aux aguets ? C’est une réalité amère : le phénomène du piratage prend, de jour en jour, plus d’ampleur, causant ainsi un sérieux préjudice aux artistes marocains. On sait pertinemment qu’au lendemain de la lancée d’un album, il y aura des centaines et des centaines de copies piratées qui inonderont le marché. C’est vraiment malheureux. Et le retard de la sortie de mon album sur le marché n’est nullement un cas isolé.
Vous avez même soulevé ce problème dans l’une de vos chansons. Comment le public a-t-il accueilli votre « Murmure d’artiste » ?
J’ai interprété cette chanson dans plusieurs soirées et j’étais personnellement touchée par l’accueil qu’a réservé le public à « Murmure d’artiste ». En écrivant ces vers, le parolier Mohamed Errachek a presque tout dit sur la chanson marocaine. Il a passé au crible l’ensemble des handicaps que connaît ce secteur, fait le tour de la question de l’évolution des goûts et a cerné le mal et ses racines. « Murmure d’artiste » parle de cette situation déplorable que traverse notre patrimoine musical. Il faut dire également que même la chanson marocaine dite moderne a du mal à se frayer un chemin et se positionner fortement au niveau de notre paysage artistique. Avec ces entraves, il est difficile d’avancer. Et pourtant, je continue à oeuvrer pour que la tradition du Malhoune perdure, et pour que ce patrimoine ne s’effrite pas avec le temps. J’ai l’impression que je fais plus dans le militantisme que dans le chant.
N’êtes-vous pas en train de tirer la sonnette d’alarme avec ces propos-là ?
Quand on est la disciple de feu Haj Houssine Toulali, on ne peut être qu’ainsi ! J’ai eu la chance et le privilège d’apprendre les règles du Malhoune d’un fin connaisseur de cet authentique style musical. J’ai même abandonné mes études à la Faculté des lettres et sciences humaines, de Meknès, pour me consacrer entièrement au Malhoune. Pour moi, il ne s’agit pas uniquement d’un simple genre de musique, mais d’un héritage que je tiens à préserver. Haj Houssine Toulali avait une attention particulière envers moi et insistait à ce que je ne ratais aucun de ses cours au Conservatoire de Meknès. Je chante pour garder le Malhoune vivant !
Vous puisez vos chansons dans le vieux répertoire marocain en Malhoune. N’avez-vous jamais songé à apporter une touche moderne à ce genre-là ?
Bien sûr ! D’ailleurs, dans mon nouvel album, il y a du Gharnati, du Issaoui en plus du Malhoune. Cela a donné à ce travail une touche variée et appréciable. Il y a même des chansons que j’ai commencées avec un rythme du Malhoune et que j’ai finies avec des notes du Issaoui…C’est innovant et susceptible de mieux faire connaître ce vieux et précieux patrimoine.
Justement, comment faites-vous pour adapter ce patrimoine avec le goût artistique des nouvelles générations ?
Le public a beaucoup changé. Il ne veut plus de ces longues « Kassaïdes ». Pour accompagner cette tendance, je fais de mon mieux pour interpréter des morceaux plus courts. J’accorde, également, une plus grande importance aux poèmes. Les textes doivent être bien sélectionnés et faciles à déchiffrer pour le commun des mortels. Dans des soirées et surtout à la télévision, je prends mon temps pour choisir ce que je vais présenter, et ce en tenant compte des divers goûts des téléspectateurs. Il faut aussi faire aimer ce genre de musique traditionnelle au grand public.
Quels sont vos futurs projets ?
Je me prépare actuellement pour une tournée au Maroc. En mars prochain, je serais présente dans des soirées à Casablanca, à Rabat et à Fès. J’irais aussi en Belgique pour y animer deux soirées “spécial Malhoune”. Ce n’est pas la première fois que j’effectue de pareilles tournées. En Jordanie, le public étais ravi de découvrir ces mélodies qui viennent du Maroc. En Espagne et au Portugal, le succès a été également au rendez-vous.

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