Culture

Mohamed Aziz Guessous, l’étoile s’est éteinte en silence

© D.R

Mohamed Aziz Guessous, figure emblématique du paysage audiovisuel marocain, est décédé  le 5 janvier 2007. Un  nom qui a fait les beaux jours de la télévision marocaine, ainsi que d’autres supports audiovisuels.
Natif de Sidi Allal Al Karouani, à Casablanca, il a été producteur, concepteur et administrateur du centre de télévision. Mohamed Aziz a été un grand passionné des médias. A la fin des années 40, il a exercé le métier de journaliste reporter à radio Africa (ancêtre de la Radio de Tanger), où il présentait le journal en français, sous le nom de Michel Granier, un pseudonyme qui lui a été octroyé par M. Decaunes, le patron de la chaîne, qui voyait en lui, un grand francophone. 
Après son passage réussi à  Radio Africa, M. Guessous a participé au démarrage de la première télévision en Afrique, au Moyen-Orient et en Espagne: la Telma, qu’il quittera en 1956 pour Ouarzazate où il a été nommé caïd à la région de Taznakht. Sa passion pour le journalisme a alimenté son désir de reprendre son métier. Il rejoint alors, en 1962, la télévision marocaine fraîchement inaugurée, où il animera l’émission hebdomadaire «Soirée publique». Grâce à ces soirées, qui deviendront les plus grands succès de l’histoire de la télévision, M. Guessous était le premier journaliste marocain à avoir accueilli une pléiade d’artistes arabes comme Mohammed Abdelwahab, Souad Housni et bien d’autres.
Mohamed Aziz Guessous a, ensuite, quitté la télévision, mais pas pour autant la scène artistique ni le monde des médias, puisqu’il participera à la création de la Radio FM Casablanca (de 1987 à 1997) et sera entendu sur les ondes de cette chaîne.
M. Guessous a occupé d’autres postes tout au long de son parcours, notamment directeur de l’Ecole des beaux-arts et conservateur de la Bibliothèque municipale de la ville de Casablanca. «Il ne travaillait pas pour l’argent, il a occupé tous ces postes parce qu’il aimait le journalisme, il aimait satisfaire son entourage. Lorsqu’il a été nommé caïd à Taznakht, il était tout aussi content», parce que, pour lui, cela allait lui permettre  de connaître et d’aider les gens. «Si l’argent l’intéressait, il ne se serait pas résigné à la fin de sa vie à traduire des spots publicitaires pour pouvoir acheter ses médicaments», raconte, avec amertume, Mouna Guessous, la veuve du défunt.
Après un long chemin de labeur professionnel, feu Mohamed Aziz Guessous avait trouvé refuge dans sa maison. Loin des projecteurs, il a supporté la maladie, mais aussi  la solitude et l’indifférence de son entourage.
«Hélas, après tant d’efforts, de passion, de loyauté et de création. En échange, la seule et unique récompense qu’il a reçue, fut l’oubli total, l’indifférence, l’amertume et une grande déception… A aucun moment, une fois, on a daigné le citer ou même lui rendre hommage en lui consacrant une émission spéciale dans laquelle son souvenir serait dignement évoqué», s’indigne Mme Guessous.
Cette dame a vécu avec le défunt quinze années d’amour, de gloire et… d’oubli. Tout au long de cette période, Mme Guessous a pu connaître et apprécier un homme hors du commun: «Les mots ne suffiraient pas pour le qualifier à sa juste valeur, tellement il représentait, pour moi, l’exemple de la modestie, de la spontanéité et des grandes qualités humaines : l’honnêteté, la franchise, la bonté et la patience.  Il a été ma force dans les moments difficiles, mon courage lorsqu’il m’arrivait, dans certaines situations, de baisser les bras et mon grand espoir».
A la fin de sa carrière, il avait besoin de sentir l’amour de son entourage, lorsqu’un téléspectateur se rappelait de lui, il ressentait une énorme joie. Mohamed Aziz Guessous n’a jamais oublié cet admirateur qui lui avait dit : «Je n’oublierai jamais votre élégance sur scène. Je me souviens de votre geste, lors d’une soirée présentée au Théâtre Mohammed V, en quittant la scène, vous l’avez fait en marche arrière prenant soin de ne pas tourner le dos au public faisant ainsi preuve de métier, d’une grande qualité de respect envers les téléspectateurs».
M. Guessous se réjouissait du regard admirateur de ses fans. Au fond de lui-même, il était sûr qu’aujourd’hui encore le rayon de gloire, qui éclairait ses débuts, existerait toujours parmi une foule reconnaissante de la valeur de ses vétérans.
Mort à l’âge de  78ans, ce vétéran de l’audiovisuel a laissé les échos de sa belle voix si célèbre. «Sa voix profonde s’effaçait complètement devant son sujet.  Il avait l’art de faire parler les gens qui, en confiance, n’étaient jamais trahis. Homme de dialogue, il avait l’art d’approcher les autres, de leur faire comprendre ses intentions», confie un de ses admirateurs Mme Guessous ne cesse de se rappeler des gestes de son mari. Pour elle, il était un homme exceptionnel «Azizi, c’était le surnom que je lui attribuais en plus de son véritable prénom qui rappelait les traits de son aspect moral et de sa personnalité :  Aziz, le cher, le précieux, auquel je tenais beaucoup, qui était  mon bien aimé et pour qui j’éprouvais et j’éprouverais  une vive affection». Ce qui a consolé Mme Guessous, c’est qu’après une année de sa disparition, une association a pris l’initiative de commémorer l’anniversaire de sa disparition.
L’association Shams, fraîchement créée, a voulu rendre hommage à un pionnier de l’audiovisuel. «Le défunt a été un de mes amis, et ça m’a fait de la peine que personne ne s’est rappelé de lui, après une année de son décès. Alors, on a décidé de le faire», souligne Abdellah Majri, président de l’association.
Une commémoration, qui a eu lieu le 5 janvier à Sidi Moumen. Une occasion qui a réuni ses amis, des artistes comme Abdelhak Albadaoui et Mahmoud El Idrissi, ainsi que des journalistes de la télévision marocaine qui ont fait, avec lui, la gloire de cette chaîne. «Feu Mohamed Aziz Guessous faisait partie du patrimoine audiovisuel marocain. Il ne méritait pas d’être négligé ainsi. Il méritait qu’on le fasse connaître aux nouvelles générations…». Avec ses mots, Mme Guessous exprime son chagrin d’avoir perdu son mari et attire l’attention des responsables pour qu’ils s’intéressent à ces gens qui ont construit le paysage audiovisuel marocain.

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