Culture

Zakaria Ramhani, un nom à retenir

© D.R

Zakaria Ramhani est un grand peintre, âgé de 20 ans. Impossible de regarder ses oeuvres et de ne pas établir une corrélation avec des artistes possédés ou illuminés. En dépit de son jeune âge, Zakaria possède un trait sûr, du tempérament et chose rare : un univers. Un monde plastique qui atteste, déjà, une personnalité, une vision et pour tout dire : une griffe. La sienne est acérée. C’est la patte d’un fauve qui lacère les vêtements de ses personnages. Le nu caractérise le monde pictural de cet artiste. Un nu qui heurte l’oeil des spectateurs, parce qu’il rompt avec la froideur des modèles canoniques.Les personnages nus de Zakaria Ramhani sentent la chair, le désir, les frustrations et sont tous marqués par quelques déformations physiques qui les rendent vivants, au lieu de les noyer dans une perfection anonyme. L’intéressé ne fait aucun mystère sur sa fascination pour les corps dévêtus : “j’éprouve du mal à vêtir un corps, parce que l’habit est artificiel, alors que je cherche toujours à toucher le vrai dans l’homme“.
Pour atteindre ce vrai, Zakaria violente, triture ses personnages, peint le contact de deux épidermes et ce qui en résulte comme tension dévastatrice. On pense d’abord en regardant ses tableaux à l’expressionnisme du peintre norvégien Edward Munch. Zakaria le cite parmi sa communauté de prédilection, mais ajoute deux Anglais de choc, Francis Bacon et Gisèle Freund, ainsi qu’un maître de la figuration atypique : Balthus. Et les Marocains ? Le jeune peintre marque un moment d’hésitation, avant d’énumérer les noms de Mohamed Drissi, Mohamed Kacimi et Mahi Binebine. Il précise toutefois : “les peintres marocains me donnent des sensations, mais ne me font pas rêver comme les autres“.
Zakaria Ramhani parle avec l’assurance d’un grand. Il a tous les tics d’un artiste romantique, et les affiche avec ostentation. Il n’a pas encore le sens de la mesure et de ce qui ne doit pas être dit. Il se représente l’artiste comme un être torturé, angoissé et condamné à vivre isolé, parce que le troupeau ne comprend rien aux expressions individuelles. Il est rebelle à toute autorité, y compris à celle de l’enseignement qu’on lui dispense au CPR où il poursuit sa dernière année de formation “pédagogique“, insiste-t-il, en arts plastiques. Pédagogique, parce que le jeune peintre “refuse l’idée d’encadrement dans le travail artistique“. Il préfère évoluer en franc-tireur, en autodidacte, en hors-la-loi.
En matière d’apprentissage de la peinture, Zakaria Ramhani a commencé pourtant très tôt. Il est né à Tanger au milieu de pinceaux, de tubes de peintures et d’amas de toiles : son père est peintre de son état. A six ans, l’intéressé barbouillait déjà des feuilles blanches avec de la peinture à l’huile. Dès cet âge, il donnait corps aux objets de son désir. Zakaria est “issu d’un milieu modeste“. Son père a trouvé la parade à la pauvreté pour exaucer tous les voeux de son enfant. Il lui a appris à s’approprier ce dont il a envie par le truchement du dessin. “Au lieu de m’acheter des jouets, il m’apprenait à les peindre“. Cette attention très délicate n’empêche pas Zakaria d’émettre un jugement sévère sur les tableaux de son père : “c’est est un peintre commercial. Il est bon technicien, mais complètement rongé par la vente des tableaux“. La sévérité de ce jugement va s’exacerber en confrontation lorsque le père et le fils ont partagé le même atelier. Un fossé infranchissable séparait leurs deux mondes. A telle enseigne que le fils a décidé, il y a deux ans, de cesser une cohabitation où il n’y avait pas la moindre chance de se comprendre artistiquement.
Il a loué avec un collectif de peintres une maison dans la casbah de Tanger qu’ils ont transformée en atelier et résidence d’artistes. Ils y travaillent et y exposent, en menant une vie de bohème qui cadre bien avec la rébellion de l’intéressé.
Il est toujours oiseux de prédire un grand avenir à un jeune artiste. Et l’Histoire nous enseigne que les faiseurs de prophéties étaient, souvent, de vrais oiseaux de malheur. Mais comment résister à l’envie de promettre tout le meilleur à Zakaria Ramhani, lorsqu’on voit sa peinture si évidente et son monde si frénétiquement artistique. La seule tentation contre laquelle il faut le mettre en garde, c’est l’excès de sensationnalisme dans ses tableaux et évidemment : cette noble rébellion qui peut se changer en vanité.

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