L’implication des services secrets espagnols dans l’affaire du fameux prétendu « communiqué des officiers libres du Maroc » ne crée pas un antécédent. Durant les deux dernières décennies, le Centre National d’Intelligence (CNI), ex-Centre Espagnol d’Information de Défense (CESID), a toujours considéré le Maroc comme un pays prioritaire où une implantation de « niveau A » (expression qui signifie un grand déploiement des espions dans tous les domaines) est un objectif de grande importance.
Ainsi, et depuis le temps où le fameux officier supérieur du CESID, Diego Camacho, avait été nommé à la tête de l’antenne de Rabat, la présence des services espagnols a pris une dimension de plus en plus importante. Camacho avait, paraît-il, réussi à convaincre ses supérieures de la nécessité de développer un réseau d’espionnage touchant tous les aspects de la vie politique et économique du Maroc que les services secrets espagnols considèrent comme un ennemi conventionnel. Ayant obtenu l’approbation du célèbre ex-directeur du CESID, le général Emilio Alonso Manglano, il bénéficia d’une carte blanche pour réaliser son projet.
Depuis, ce fameux réseau développé par l’ex-chef de « l’antenne Maroc » n’a cessé de se développer et même après son départ, suite à une multitude de scandales, le même réseau resta opérationnel. D’ailleurs, à son départ, les dirigeants des services secrets espagnols lui ont offert de choisir lui-même un poste d’attaché militaire dans n’importe quelle capitale au monde et lui ont garanti une impunité totale sur toutes les affaires où il était impliqué. Mais certains connaisseurs du dossier affirment que le réseau développé par Diego Camacho se faisait sous le contrôle des services marocains qui avaient réussi à le récupérer pour le faire travailler en agent double.
L’importance accordée par le CNI au Maroc a été couronnée par la nomination de l’ex-ambassadeur espagnol à Rabat, Jorge Dezcallar, en tant que directeur général de ce service d’espionnage. Une nomination qui avait été décidée plusieurs mois avant que Dezcallar ne quitte Rabat pour assumer sa nouvelle responsabilité. Ainsi, durant la période où il était à la tête de l’ambassade, il avait réussi à transformer cette légation diplomatique en un « nid d’espionnage » contrairement à toutes les conventions et les usages internationaux en matière de diplomatie qui interdisent l’utilisation d’une représentation diplomatique comme arrière base des services secrets.
Parmi les branches d’action de ces services au Maroc, la presse tient une position prioritaire et ce à deux niveaux.
D’abord, il y a l’utilisation de certains journalistes et correspondants espagnols accrédités à Rabat en tant que « correspondants honorables » desdits services. Parmi ceux-ci, il y a lieu de citer certains journalistes qui se passent pour des connaisseurs du Maroc et qui sont parvenus à former un réseau de relationnel assez important. On peut citer notamment Ignacio Cembrero, du quotidien El Pais, Javier Espinosa, du journal El Mundo, Paco Soto de Hoy, Pedro Canales, de La Razon.
D’un autre côté, les agents du CESID ont établi des liens avec les journalistes de certains organes de presse marocains. Ces relations ont d’abord été établies grâce aux journalistes espagnols sus-mentionnés et furent développées par la suite directement avec certains agents du CESID. Ainsi, il est établi que certains journalistes entretiennent des relations directes avec le responsable de l’antenne du CESID à l’ambassade de Rabat : A.S, avec qui ils n’hésitent pas à se montrer en public. L’exemple le plus flagrant en a été, en septembre 2001, le déjeuner du fameux directeur d’un hebdomadaire sulfureux de la place avec le non moins fameux A.S au restaurant « La Mama » à Rabat et qui se trouve à quelques dizaines de mètres de l’ambassade espagnole.
Ces rencontres en public ne sont qu’un écran de fumée. Mais les réunions de travail se tiennent notamment dans la ville occupée de Sebta. L’Hôtel Ulyses, apparement un bien appartenant au CNI, situé en face de la place d’Espagne est devenu l’endroit idéal où sont organisées des rencontres et des réunions entre les intéressés et où les complots sont tramés et l’échange d’informations se fait dans les deux sens.
Un dispositif de guerre comme il se doit, mais à la manière barbonzarde. Ce qui est somme toute dans la nature et les fonctions de tous les services du monde. La seule touche pittoresque ici est le degré d’implication et de compromission de citoyens marocains dans ses marécages très glauques.