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Histoire des services : Farewell : la plus célèbre taupe de la guerre froide (2)

Dans les jours qui ont précédé l’expulsion, la DST, pour noyer le poisson tout en donnant un coup de pied dans la fourmilière a multiplié les « coups » contre les contacts du KGB et du GRU : huit opérations se soldant car des gardes à vue et des auditions, se déroulent ainsi les 22, 23 et 25 mars.
Convoqué au quai d’Orsay le 27 mars par François Scheer, chef de cabinet du ministre des Relations extérieures, le ministre-conseiller soviétique, Nicolaï Afanassievski proteste : « Le diplomate français lui donne alors le bilan de la VPK pour l’année 1979 dans sa version russe. Afanassievski feuillette la brochure pendant une demi-minute et la rend, silencieux, à son interlocuteur… il n’émet aucune réserve sur l’authenticité du document, qu’il n’a, selon toute probabilité, jamais vu auparavant. A-t-il remarqué que l’exemplaire qui lui a été communiqué porte le n ° 1 ? « .Enfin en date du 29 mars 1985, Jacques Attali note : « Bruno Masure révèle l’affaire Farewell au journal télévisé. Il faut tout arrêter.
Farewell est perdu. Mais cette fois, le conseiller de François Mitterrand se trompe : Farewell est perdu, c’est bien exact, mais depuis près de trois ans. À la fin du mois de février1982. La taupe a en effet cessé de venir aux rendez-vous fixés à Moscou avec son contact français. Il ne viendra non plus à aucun des rendez-vous de repêchage et ne donnera plus jamais signe de vie. On n’apprendra que bien plus tard et en grande partie, une fois de plus, grâce à Gordievsky, ce qui s’est passé. Au cours d’une banale scène de ménage avec sa maîtresse, dans un parc de Moscou, Vetrov qui mène une vie de plus en plus déréglée a voulu la frapper avec une bouteille de champagne. Un passant s’est interposé ; fou de rage, Farewell l’a poignardé. Jugé, condamné à vingt ans de prison, comprenant que sa vie est brisée à jamais, dans une ultime bravade, Vetrov a envoyé une confession complète au directeur de la sécurité intérieure du Premier Directorat Principal du KGB, Vitali Iourtchenko. Interrogé par ce dernier, il confirme ses dires et fait état du dégoût que lui inspire le système soviétique.
Vladimir Ippolitovitch Vetrov est exécuté en décembre 1984 ou en janvier 1985. Environ un an et demi après que ses révélations ont permis l’expulsion de 47 Soviétiques de France et, quelques mois après, l’arrestation de Manfred Rotsch, ingénieur en chef chez Messerschmitt, arrêté après 17 ans d’espionnage, grâce aux informations transmises par Farewell. L’affaire Farewell se distingue dans le monde du renseignement par un fait unique : c’est le cas d’espionnage connu où la taupe collaborait avec un service de contre-espionnage, qu’est la DST, au lieu du service d’espionnage à savoir la DGSE.
Dans son livre « Bonjour Farewell », l’écrivain russe, Sergueï Kostine, explique pourquoi Vetrov a choisi de trahir et pourquoi il a choisi pour le faire de correspondre avec un service qui n’avait pas compétence pour le « traiter » à Moscou puisque la DST est un service de contre-espionnage dépendant du ministère de l’intérieur. Selon lui, Vetrov a été poussé par des raisons conjugales et professionnelles mais surtout par le dégoût de ce que devenait son employeur, le KGB.
Le choix étonnant de la DST a été fait exclusivement par Vetrov et non préparé par les policiers français qui avaient même refusé un visa à l’officier soviétique et permis à un journal canadien de le dénoncer comme agent notoire le « grillant » ainsi totalement à l’étranger. Vetrov, bien placé pour le savoir, a jugé que les services secrets Français à Moscou étaient moins surveillés par le KGB qui se méfiait davantage des anglo-saxons. Vetrov savait aussi que la DST n’était guère infiltrée par le KGB. Il connaissait d’autre part un moyen de la contacter par l’intermédiaire d’un « ami », cadre chez Thomson-CSF.
Le reste est un parcours d’espionnage bien peu classique, tant le côté dilettante et amateur est omniprésent. C’est paradoxalement cet amateurisme qui a permis à l’aventure de durer un certain temps malgré les faux pas et les erreurs qui finiront, mais bien plus tard, par mettre tout de même le KGB sur la piste de Vetrov. Farewell est tombé en février 1982 pour un crime de droit commun. Accusé d’avoir tenté de tuer sa maîtresse et assassiné un témoin de la scène, il est envoyé au Goulag. Sa trahison ne sera découverte qu’un an plus tard par le KGB, après l’expulsion de 47 diplomates soviétiques de France. Pour justifier cette expulsion, un document « Farewell » aurait été montré par un haut-fonctionnaire du Quai d’Orsay à un membre de l’ambassade soviétique. C’est l’une des hypothèses avancées pour expliquer la découverte d’un espion qui a livré plus de 100 agents du KGB dans le monde et révélé à l’Ouest l’ampleur du pillage scientifique et technologique dont il était victime au profit de l’URSS.

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