La controverse sur le renvoi de Roms a plongé les relations entre la France et l’UE dans une phase de turbulences d’une rare intensité et particulièrement malvenue pour Nicolas Sarkozy, au moment où il entend souder les Européens derrière sa présidence du G20. «La France, en terme d’image, voire sur le plan juridique, va avoir à en pâtir», estime Jean-Dominique Giuliani, président de la Fondation Schuman spécialisée sur les questions européennes. La crise couvait depuis août. Elle a éclaté cette semaine après des révélations sur l’existence d’une circulaire des autorités françaises ciblant spécifiquement les Roms pour les renvois, en contradiction d’engagements donnés auparavant à Bruxelles. La commissaire européenne à la Justice, Viviane Reding, a tapé mardi du poing sur la table. Elle a menacé la France de poursuites en justice pour non-respect de la législation de l’UE, tirant un parallèle avec les déportations de la Seconde Guerre mondiale. Des termes particulièrement vigoureux à l’aune de l’histoire mouvementée des rapports entre Paris et Bruxelles, où les contentieux ne furent pas rares dans le passé, sur les déficits publics, le protectionnisme économique ou la politique industrielle. En retour, les critiques fusent du côté français, où dans les rangs du parti de droite du chef de l’Etat (UMP) la parole contre l’Europe se libère. Le chef des députés UMP, Jean-François Copé, accuse l’Europe de mener «un procès d’intention systématique» contre Paris avec «une arrière-pensée politique». Pendant ce temps, au Parlement européen la réputation de la France se retrouve particulièrement dégradée chez une majorité d’élus de gauche et du camp libéral, qui ont rappelé à l’ordre Paris la semaine dernière. Parmi les pays de l’UE, la plupart se retranchent sur le sujet derrière un silence tout diplomatique. Ceux qui approuvent la France préfèrent pour la plupart se taire, et dans l’autre camp, la Roumanie n’est plus la seule à émettre des critiques. L’Allemagne a pris ses distances mercredi avec son principal partenaire en Europe; Berlin a jugé que Bruxelles était dans «son droit» en demandant des explications à Paris. Le président autrichien a lui aussi émis des réserves face à l’attitude de la France. Quant au ministre luxembourgeois des Affaires étrangères Jean Asselborn, il a estimé que le président français s’était montré «malveillant» en conseillant à Viviane Reding d’accueillir des Roms dans son pays, le Luxembourg. Le sujet devrait peser sur le sommet des dirigeants européens jeudi à Bruxelles, où Nicolas Sarkozy entend dire sa façon de penser au président de la Commission José Manuel Barroso, qui a apporté son soutien «personnel» à Mme Reding. Ils seront assis à la même table. Les Roms ne sont pas le seul sujet de tension. Le ministre français des Affaires étrangères Bernard Kouchner ne décolère pas contre la chef de la diplomatie de l’UE, Catherine Ashton. En cause : son absence le 2 septembre à Washington pour la reprise des pourparlers de paix israélo-palestiniennes. «Nous ne pouvons pas être les bailleurs de fonds et ne pas participer au processus de négociations», a-t-il encore déclaré mardi à Paris. Un différend qui fait mauvais effet alors que l’UE s’efforce de mettre en place un nouvelle diplomatie européenne pour parler d’une seule voix dans le monde. Le bras de fer autour des Roms ne va en tout cas pas faciliter la tâche de l’Etat français à l’approche de la présidence du G20 en novembre. Reprenant les accents de sa présidence de l’UE jugée largement réussie fin 2008, M. Sarkozy entend s’assurer de l’adhésion de l’Europe à ses priorités : réforme du système monétaire international, lutte contre la volatilité des changes et régulation financière accrue.
Yacine Le Forestier (AFP)