Société

La santé de la santé

© D.R

Pour des raisons plurielles : l’absence d’un cadre de réflexion et d’action sur le système de la santé et l’impréparation du gouvernement actuel à gérer un tel dossier ; le mécontentement quasi quotidien de la population dans tout le Royaume inhérent à la santé ; des comportements corporatistes des différents acteurs de la santé, qui risquent d’être dévastateurs ; la formation des soignants qui s’expose à deux risques majeurs : le déficit en nombre déjà réel et qui risque de se perpétuer quelques années encore, le déficit en qualité encore plus à craindre que le précédent.

Situation

Il ne s’agit pas de dépeindre l’état actuel dans le détail (cela relève d’ailleurs) mais plutôt d’énumérer quelques éléments de façon succincte nécessaires à la réflexion : les instances ordinales dont on attend toujours la nouvelle loi. Dont la conséquence depuis plusieurs années est l’absence de l’élection du conseil national de l’Ordre des médecins et les conseils régionaux ; l’absence de statut clair des structures sanitaires telles que les polycliniques de la CNSS. Mutuelles, fondations, ville sanitaire touristique…; la réalisation des Centres hospitaliers universitaires dans la précipitation : Fès, Marrakech, Oujda et la dégradation des Centres hospitaliers universitaires Ibnou Sina de Rabat et Ibnou Rochd à Casablanca ; l’absence d’un cadre stratégique d’action et d’une vision globale du système de santé. Ce qui confère au ministre de la santé une double fonction de producteur et de régulateur de la santé ; la crise de l’hôpital public particulièrement la dégradation des services des Urgences.

Quant au financement dans un rapport assez récent le verdict est sans appel : «En matière de financement, la dépense globale de santé a stagné sinon régressé à certaines périodes de l’ordre de 5% du PIB actuellement, elle témoigne de l’indigence du niveau de la consommation médicale au Maroc. Produit de l’insuffisance du financement public et de la faiblesse de la couverture par l’assurance maladie, le niveau des dépenses de santé au Maroc est très faible, comparé à l’effort financier consenti par d’autres pays similaires pour la santé de leurs populations. Selon les données de l’OMS, les dépenses globales de santé per capita au Maroc s’élèvent à 56 dollars contre 398 dollars au Liban, 134 en Jordanie, 118 en Tunisie et 130 en Iran.

Tout pousse à croire que c’est aussi d’une insuffisance réelle de financement qu’a souffert le système marocain de santé durant les décennies précédentes»; la couverture médicale qui englobe l’Assurance maladie obligatoire (AMO) qui est entrée en vigueur en 2005 et le Régime d’assistance médicale aux économiquement démunis (RAMED) entré en vigueur en 2012. S’il est indéniable que c’est un acquis politique et social, il n’en reste pas moins que la cacophonie qui l’accompagne lui plombe les ailes ; sur un autre registre, le rapport sus-cité est une fois de plus alarmant :
«sur un autre plan, l’accent doit également être mis sur les faiblesses qui commencent à se faire sentir dans le domaine de la formation médicale et de celui de la recherche en santé. S’agissant de ce dernier point, non moins stratégique pour notre pays, on constate une absence de politique de recherche explicite, une insuffisance des infrastructures et des compétences, tandis que son financement repose exclusivement sur la coopération bilatérale ou multilatérale.

Or la globalisation des échanges s’accompagne de plus en plus de la globalisation des maladies et des réponses qui doivent leur être apportées. A cet égard, dans notre pays la veille sanitaire et la veille alimentaire doivent être renforcées et la politique de santé devenir plus prospective. En particulier le Maroc qui est importateur net de technologie médicale et de biotechnologies (à l’exception notable du médicament) doit définir une stratégie claire dans ces domaines : recherche, innovation, transfert de technologie ou autonomie par rapport aux importations» ; la recrudescence de certaines maladies: tuberculose, infections respiratoires aiguës de l’enfant, hépatites virales B et C, toxi-infections alimentaires ; opacité quant à l’incidence et la prévalence de l’infection par le VIH-Sida ; l’émergence en termes de fréquence des maladies chroniques : cancers, maladies cardio-vasculaires avec l’hypertension artérielle en tête, diabète, asthme, insuffisance rénale chronique, maladies mentales posant un grand problème de prise en charge par manque de structure d’accueil et insuffisance de soignants, mortalité et morbidité materno-infantile restent encore inacceptables.

A titre comparatif et pour mesurer le chemin à parcourir, seuls 9 enfants sur 1.000 nés vivants décèdent avant leur 5ème anniversaire en Espagne, au Maroc et pour la même période (2003-2004) ce sont 47 enfants qui ont décédé avant 5 ans, soit 5,2 fois plus qu’en Espagne. A titre d’exemple, le taux de mortalité maternelle ne dépasse pas les 20 décès pour 100.000 naissances dans les pays développés. Au Maroc ce taux est aux alentours de 200 décès pour 100.000 naissances. C’est dire une fois de plus le chemin qui reste à parcourir. Enfin une tendance nette à la hausse des accidents et traumatismes non intentionnels.

Cependant, un point capital est à souligner. Le Maroc n’est pas parvenu à régler ses problèmes de «Maladies des pays pauvres» alors qu’il doit faire face à une montée en puissance et en fréquence des «maladies des pays riches» plus difficiles et plus chères à gérer.

Les statistiques de mortalité globales indiquent que 30% des décès sont imputables aux deux seules pathologies cardio-vasculaires et tumorales. A noter par ailleurs l’inégalité des Marocains devant la santé et devant la mort.
En effet, l’offre des soins de santé et les niveaux de mortalité varient très fortement entre milieu rural et milieu urbain. Les citadins vivent en moyenne 6 ans de plus que les ruraux, et deux fois plus d’enfants dans les campagnes que dans les villes meurent avant leur premier anniversaire.

De même, le mauvais niveau de santé de nombreuses franges de la population est souvent corrélé avec : un mauvais niveau d’éducation (analphabétisme), un mauvais statut d’habitat (habitat insalubre), un accès insuffisant aux infrastructures de base (eau salubre, électricité ; routes, etc.). Il est aussi lié à une profonde iniquité dans l’accès aux soins en termes géographiques et financiers.

Ailleurs, notons que la médecine pose de plus en plus de problème en ce qui concerne : la génétique, la biologie moléculaire, la biotechnique, la problématique de l’assistance à la procréation, les greffes d’organes.
Autant de progrès qu’il faut penser et encadrer par l’éthique.

Ce que pourra être demain            

Rappelons une fois de plus que ce canevas n’est guère l’énumération exhaustive des problèmes avec proposition de solution. Mais l’ambition des camarades est de réformer la santé.
Cependant, la santé est au carrefour de l’économie, de l’éducation de l’environnement, de la culture, etc. Le tout est dans un mouvement perpétuel imposant aux intéressés de *penser*

En effet, aucune réforme dans n’importe quel domaine ne peut se faire sans réforme de la *pensée*
A partir de là, il est possible de proposer quelques pistes : parer à l’urgence en mobilisant toute la société dans une démarche volontaire et humaniste; penser le moyen et le long termes. Encore faut-il organiser cela ; faire du médecin généraliste le chef d’orchestre de la santé. Au médecin généraliste (dans le privé ou dans le public) échoit le suivi sanitaire des citoyens malades ou pas. C’est à lui que revient le rôle de diriger le patient vers le spécialiste. Le médecin généraliste doit être au courant du vécu des citoyens dont il a la charge. Ce chantier immense doit intéresser tout le Royaume ; la réforme des études de médecine.

Celles-ci devraient comporter, comme dit Edgar Morin, un enseignement des sciences humaines, un enseignement de civilisation, un enseignement sur la complexité humaine, un enseignement de connaissance et de pensée complexes qui permette d’affronter les relations entre le local et le global, la partie et le tout, ainsi que de surmonter les disjonctions et compartimentations liées à la spécialisation.

Je ne saurais proposer meilleure conclusion que ces phrases d’Edgar Morin : «Les réformes propres à la médecine ont besoin des réformes proposées par la politique de civilisation (humanisation des villes, régénération de la solidarité, diminution des inégalités, dont celles, criantes, en matière d’accès aux soins), des réformes de vie; des réformes de la consommation et de l’alimentation. Là encore, on ne saurait isoler une voie réformatrice».

 

                                                                                                                             Des membres de la section Maârif de l’USFP

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