Chroniques

Autrement : Ahmadinejad à deux pas d’Israël

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Toujours est-il que la visite officielle que le président iranien vient de faire au Liban, est apparue aux yeux du monde entier comme un acte particulièrement audacieux. N’est-il pas allé tenir un discours au vitriol contre l’Etat hébreu, à quelque cinq kilomètres seulement de la frontière israélienne? Cette visite à deux pas d’Israël a réjoui toute une partie des Libanais, dont on sait que près de la moitié de la population est de tradition chiite. Des foules en liesse ont acclamé le chef d’Etat iranien au Sud-Liban et dans les faubourgs de Beyrouth. Mais l’évènement a, aussi, suscité l’enthousiasme de millions et de millions de personnes à travers la planète, en particulier dans le monde arabe et au sein des pays musulmans. Un phénomène durable, ou un feu de paille qui sera vite oublié?
En Occident, le président iranien est souvent regardé comme un illuminé ou un exalté. La plupart des gens l’associent aux ayatollahs les plus obscurantistes de la Révolution islamique iranienne. Or même si Mahmoud Ahmadinejad s’appuie sur l’ayatollah Ali Khameini, le Guide de la Révolution, son répertoire est beaucoup plus politique que religieux. On sait que la réélection de cet homme au scrutin présidentiel de juin 2009 a été très contestée. Cependant, le président iranien garde dans son pays une popularité importante, du fait surtout de son nationalisme. Ailleurs, c’est son discours anti-impérialiste, et notamment anti-sioniste, qui séduit. Au demeurant, on ne peut que constater qu’il reste une des deux seules grandes voix, à travers le monde, qui se trouvent encore en capacité de tenir haut et fort un pareil discours, aux côtés du président vénézuélien Hugo Chavez. Fidel Castro, à Cuba, est bien vieux et malade, et plus personne, ou presque, ne prend encore au sérieux le Libyen Mouammar Khadafi. Mahmoud Ahmadinejad est-il seulement un «beau parleur»? Lorsqu’il était maire de Téhéran, sa gestion a été considérée comme tout à fait pertinente. Depuis qu’il est à la tête de l’Etat, en «tandem» avec le Guide de la Révolution, certes la situation économique n’est pas brillante (ce qu’explique, en particulier, l’embargo commercial imposé à l’Iran par les Etats-Unis), mais le pays parvient à conserver son rang de puissance régionale. Ahmadinejad, en fait, connaît les limites qu’il ne doit pas franchir. L’homme est beaucoup plus calculateur et raisonneur qu’on ne le pense généralement. Au cours de ce voyage au Liban, on a pu remarquer qu’il n’a pas tenu de propos outranciers contre Israël. Car le président iranien joue la carte d’un Iran sans lequel l’avenir du Proche-Orient ne peut se construire. Il se veut, également, serviteur d’une renaissance de l’influence chiite, travaillant au renforcement du «croissant chiite» qui existe désormais de Téhéran à Beyrouth, en passant par Bagdad. Il y a mille raisons de craindre et de détester Mahmoud Ahmadinejad. Mais force est de reconnaître que ses diatribes rencontrent les attentes de larges secteurs de la population du monde. Les humiliés ont besoin de voix.

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