Editorial

Un petit rien

«Un registre central des fonctionnaires comprenant une base de données détaillée des ressources humaines sera mis sur pied dans le but de lutter contre le phénomène des "fonctionnaires fantômes"», a indiqué Mohamed Bousaïd, ministre chargé de la Modernisation des secteurs publics, dans des propos rapportés par l’agence marocaine MAP. Une info de cette nature qui tombe sur le fil en fin de journée a de quoi rassurer. Notre pays avance. Il lutte de toutes ses forces contre les forces du mal. Et il y a de quoi faire.
Après la chasse aux démons des années de plomb, les fonctionnaires fantômes sont à l’ordre du jour. Il ne nous reste plus que le diable de la corruption à neutraliser, les spectres de la stagnation économique à éloigner, les mauvais esprits de la mauvaise gouvernance à dissoudre et les revenants de la régression politique à écarter. Ce n’est plus une transition démocratique que nous vivons, mais une méga-séance d’exorcisme enveloppée par une persistante odeur de benjoin. Ce n’est plus un État, mais un vrai festival de Gnaouas.
Les fonctionnaires fantômes ne font peur à personne, sauf au ministère des Finances. Vous avez déjà vu un être immatériel qui touche sa paie, sonnante et trébuchante, à la fin du mois ? Jamais. Alors, qui est le fantôme dans cette affaire ?
Mais, en fait, ce n’est pas ce sujet qui m’intéresse. Parlons un peu de Ali Lmrabet. Ce n’est pas que son cas soit, lui, très intéressant. La réaction qu’a réservée la presse algérienne à sa condamnation est, quant à elle, amusante. A part, un saillant : «Ses écrits et ses positions constituent une source d’inquiétude pour le Makhzen. Le gouvernement marocain décide d’interdire d’écrire le journaliste opposant Ali Lmrabet pour dix ans», il n’y a rien de spécial. Ils ont apparemment du mal à faire le service après-vente après avoir fourvoyé ce garçon dans la trahison. Le problème, c’est le Sahara marocain, ce n’est pas la gêne du Makhzen qui, ces derniers temps, en a vu d’autres et qui ne s’en porte pas plus mal. Ils veulent nous faire croire que le «journaliste opposant» a été condamné pour ses idées. Alors qu’eux, ils savent très bien qu’Ali Lmrabet n’est capable que de fourguer les idées de ses commanditaires. En l’occurrence, dans cette affaire, la commandite simple, si l’on peut dire, vient d’Alger.
Dix ans sans écrire quand on n’a pas d’idées, cela doit être dur. Dix ans sans écrire quand le marché des commandes se porte à merveille, c’est inhumain. Dix ans sans écrire alors que les clients en redemandent, c’est anti-économique. Dix ans sans écrire quand on a autant de haine contre son pays, est un crime contre l’humanité. Dix ans sans écrire, c’est-à-dire sans diffamer, c’est la faillite du système judiciaire. Dix ans sans écrire, c’est un Tazmamart intellectuel qui demanderait, à lui seul, une IER d’au moins dix années d’exercice. Dix ans sans écrire, c’est, finalement, transformer Ali Lmrabet en journaliste fantôme à ajouter au registre national. Il est toujours payé en retour de ce qu’il fait.  
Mais que son fan-club se rassure.  Ali Lmrabet écrira encore et encore, car il trouvera toujours une tribune intéressée pour relayer et instrumentaliser sa rancune. Aujourd’hui c’est Pedro J. Ramirez d’«El Mundo» qui lui ouvre ses colonnes, demain ça sera un autre. Il a déclaré, faussement modeste, à ses amis de Reporters sans frontières : «Mais qui suis-je pour que le Roi aie peur de moi ?» Même s’il n’est plus dans son rôle d’imprécateur, c’est une bonne question. Faussement compassionnelle, mais  la meilleure qu’il ait posée de toute sa météoritique et calamiteuse carrière. La réponse est : rien, car, justement, la vie  est faite, malgré tout, de petits riens. Son vrai problème, aujourd’hui, c’est le Sahara marocain et face à ce problème, il aura toujours un peuple et sa Justice qui se dresseront contre lui. «Mais qui suis-je pour que le peuple aie peur de moi», nous dira-t-il d’une voix faussement  victimisante. La réponse sera, toujours : rien.

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