Chroniques

Label marocanité : La stratégie de la taupinière

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Que faut-il faire pour détester son pays ? D’abord, il faut avoir la haine de soi. Ensuite, Il faut être paramétré par le logiciel du refus et du politiquement correct. Enfin, il faut adorer la politique en méprisant les politiques. C’est tellement bien la chose politique sans ses acteurs. Le reste glisse tout seul.
Tu deviendras ainsi un adepte appliqué de tous les éditos de Jamaï & Co, même lorsqu’ils sont expédiés par mail de New York ou de Londres. Même lorsqu’ils remâchent de manière tatillonne (De Gaulle aurait dit comme un cabri) et quasi dépressive : la Constitution, la Constitution, la Constitution. Chaque mercredi, tu éviteras d’aller boire un café sans avoir sous les aisselles Assahifa, bien en vue, avec des couvertures sur le complot permanent. Chaque vendredi, tu t’agenouilleras laïquement devant l’édito de Benchemsi avant l’appel du Muezzin et le couscous. Tu n’oublieras surtout pas de glorifier toutes les sorties de Lmrabet. Le juge qui l’a condamné est un vrai crétin. Il en a fait le nouvel oracle d’un cheguévarisme pimenté à la marocaine, c’est-à-dire épicé de fariboles et de provocation. Ne t’étonne pas si tu te surprends en train de trouver des circonstances atténuantes à Driss Basri ou si tu verses une phrase lacrymale pour plaindre son sort de milliardaire, vivant dans l’ancien appartement de Pierre Mendès-France, bien que sans papiers comme un vulgaire africain. Tu exécreras jusqu’à plus soif El Himma, Laânigri, Mounir Majidi et tout le sillage roya,l tant ils sont accusés du remodelage du Maroc politique, économique et sécuritaire. Tu insisteras à chaque occasion sur ce dernier mot, sécuritaire. Tu l’exhiberas comme un croque-mitaine. Il contient une telle charge de dénonciation qu’il peut camoufler tes indigences idéologiques. Tu vomiras toutes les réformes dans le pays. Elles sont toutes ourdies par des mains de l’ombre, dont la seule ambition est de faire du cosmétisme à usage externe. Tu évoqueras la makhzénisation de Driss Benzekri et de Latifa Jbabdi en supprimant, en une rature, le plomb de leurs années de prison. Tu leur opposeras les nouvelles icônes des défectuosités marocaines que sont le capitaine Adib et Chrii. Tu soupçonneras tout journaliste et intellectuel indisposés par le paternalisme insolent d’un Menard, Tuquoi ou Ignacio Cambrero. Tu invoqueras l’absolutisme de la démocratie pour défendre, y compris les ennemis de la démocratie. Tu seras de ceux qui, le lendemain du 16 mai, n’ont pas hésité à laisser entendre que les services seraient éventuellement derrière le massacre.
Cela ne te coûte rien de ne pas avoir de preuves. Au Maroc de la transition, on peut tout dire. Si tu assumes scrupuleusement ce vade-mecum, tu pourra donner toutes les leçons d’hygiène, y compris si tes fesses sont sales. Nous t’admettrons dans la confrérie restreinte de ceux qui échafaudent les fondations futures du pays. Les bâtisseurs des galeries souterraines, celles qui préparent l’effondrement apocalyptique que nous espérons de tous nos vœux. C’est notre grand soir à nous. C’est notre stratégie à nous : la stratégie de la taupinière.

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