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Debbagh : « Un manque de vision fatal »

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ALM : Lors d’une récente conférence-débat, la Banque Mondiale a sévèrement émis ses critiques à l’encontre du secteur privé marocain. Quel commentaire en faites-vous ?
Adnane Debbagh : J’ai une première remarque à formuler à ce propos. Ce n’est pas la première sortie critique de la Banque Mondiale à l’égard des différentes composantes de l’économie marocaine. L’institution financière segmente sa démarche en adoptant une approche globale. Elle a bien commencé par l’administration, avant de passer à la justice ou encore les insuffisances des infrastructures de base. C’est au tour à présent du partenariat privé d’être sur la sellette. Cette démarche didactique de la Banque Mondiale se comprend puisqu’elle prend en considération l’ensemble des composantes de la société marocaine. Elle met ainsi en évidence les maux qui la rangent, notamment sur le plan économique, pour essayer d’en trouver des solutions. Dans ce sens, il est en outre judicieux de noter que l’entrepreneuriat marocain n’est pas homogène. Il se compose évidemment du management des grands groupes qui ne trouvent aucune difficulté à percer, de moyennes entreprises en plus de petites unités qui souffrent pour survivre. Il ne s’agit donc pas de masse compacte.

Pensez-vous que ces critiques sont fondées ?
Les critiques de l’institution financière internationale sont en grande partie fondées. Elles s’inscrivent, notons-le, dans le cadre de ce que les experts de la Banque Mondiale appellent bonne gouvernance, ou tout simplement bonne gestion des affaires publiques et économiques. Pour revenir aux manquements de notre entrepreneuriat, ils pourraient s’articuler autour de trois axes. Le premier reproche justifié formulé à l’égard du secteur privé marocain est qu’il est plutôt réactif que pro-actif dans sa grande composante. L’on dit souvent que notre entrepreneuriat est habitué à la facilité et qu’il ne cherche que très rarement à oser des aventures d’investissement, et c’est peut-être vrai dans de nombreux secteurs. Le second grief se rapporte quant à lui à cette situation de désarroi qui sévit actuellement. Le secteur privé est certes désemparé, mais les raisons sont à chercher dans ce manque de suivi et de cohérence qui caractérisent plusieurs secteurs économiques. Durant de nombreuses années, il a été question de grappes, puis de contrats-programmes et voilà à présent que l’on parle de plan Emergence. Le troisième reproche est en relation, quant à lui, à cette absence de visibilité de la part de l’entrepreneuriat. Mais je dirais à ce sens que c’est qu’une conséquence normale et logique de ce manque de vision qui a longtemps caractérisé l’action gouvernementale dans divers secteurs économiques. Mais il va sans dire que des exceptions existent bien évidemment. C’est le cas par exemple de secteurs tels que le tourisme et le bâtiment où les investisseurs nationaux se bousculent au portillon. Je citerais également en exemple la cession des terres SODEA-SOGETA menée dernièrement. Une opération établie ces derniers temps et qui a connu un engouement sans précédents des investisseurs nationaux. Ces exemples renseignent sur la capacité du secteur privé marocain à produire de la richesse.

Qu’en est-il de la mise à niveau des entreprises, un chantier qui n’arrive toujours pas à décoller?
De l’avis même du Premier ministre, Driss Jettou, ce processus de mise à niveau n’a pas atteint les objectifs escomptés. L’approche ainsi que les méthodes utilisées n’ont pas apporté leur fruit. Cette situation risque de porter préjudice à la totalité du tissu économique. Ces conséquences sont d’ores et déjà visibles, vu le manque croissant d’entreprises qui ferment. L’Etat n’a apparemment pas pris au sérieux les défis qui s’imposaient aux entreprises marocaines dans cette ère de mondialisation. Nos voisins, les Tunisiens, s’en sont bien sorti puisqu’ils ont adopté des mesures beaucoup plus soutenues.

Qu’est-il demandé actuellement du secteur privé ?
Il doit faire preuve de plus de dynamisme et de souplesse afin de répondre positivement aux attentes des différents acteurs de la scène économique nationale. La libre initiative suppose un impératif de rentabilité. Un entrepreneur ne peut se permettre d’échouer dans sa démarche, puisque c’est son capital qui est en jeu. Il serait donc souhaitable que son action soit entourée d’un environnement juridique, administratif, économique et financier sain et encourageant pour l’inciter dans sa démarche.

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