Editorial

Bref aperçu de la schizophrénie algérienne

Nous, c’est-à-dire quelques-uns, qui sommes des familiers de la lecture de la littérature diplomatique algérienne, sommes sidérés. Le communiqué des Affaires étrangères algériennes du mardi 19 octobre est d’un des plus faibles que nous ayons eu à connaître depuis au moins un quart de siècle. Le texte algérien présenté au vote de la 4ème Commission des Nations unies a été retoqué d’une manière très sèche et ostensible.
La motion algérienne avait pour objectif, après la reconnaissance sud-africaine du polisario, d’enfoncer définitivement le Maroc sur le dossier de son Sahara et, au passage, mettre en difficulté cette Commission onusienne, aux habitudes de travail assez consensuelles, en la forçant à un vote binaire sur une question régionale assez sensible voire explosive. La démarche algérienne, légère et irresponsable, a été nettement et dédaigneusement rejetée.
Il fallait, donc, pour Alger, enfoncer le Maroc, disqualifier Alvaro de Soto – le représentant personnel du Secrétaire général – et fossiliser le Plan Baker en rendant caduques toutes les solutions politiques, pourtant fort prometteuses, à venir, mais c’était sans compter sur le poids, la lucidité et la clairvoyance des nations les plus sérieuses et les plus conséquentes dans cette Commission. Abdelaziz Boutefklika n’est pas encore le maître du monde, même avec un baril à, disons, 60 dollars.
Alors, que nous dit le fameux communiqué? Il présente cet échec cuisant comme une victoire. C’est de bonne guerre. Dans cette affaire, nous nous sommes jamais, de la part du pouvoir algérien, à une imposture ou à une mystification près. Mais le problème réside dans la forme : elle est ridicule. Le document de béotien avance 5 arguments fallacieux. Examinons-les, avec une bienveillance mesurée.
1- Il n’y a pas de différend bilatéral entre le Maroc et l’Algérie. C’est faux. Le Maroc considère que la question du Sahara occidental est une affaire algéro-marocaine. Cela a été affirmé par notre pays de la manière la plus formelle, la plus solennelle et officielle qui soit. Washington, Paris, Madrid, l’UE dans son ensemble, l’Inde, le Canada, l’Australie…, ces capitales admettent toutes ne serait-ce que par leur position devant la 4ème Commission cette dimension désormais incontournable du vrai-faux problème.
2- Le Maroc assume la responsabilité des tergiversations et des remises en cause dans l’organisation du référendum. Oui, c’est vrai, mais notre pays est conséquent avec lui-même. Toute solution, référendaire ou pas, qui ne s’inscrit pas dans une affirmation ou une confirmation de notre souveraineté nationale sur nos provinces du Sud sont nulles et non avenues. C’est une position constante du Maroc. Ce qui n’est pas le cas de l’Algérie, championne de l’autodétermination des peuples – sauf en Kabylie bien sûr – auteur ou supporteur honteux d’un projet de partage, pour solde de tout compte, du Sahara marocain.
3- L’Algérie n’a pas brisé le consensus de la 4ème Commission , c’est le Maroc qui l’a fait en refusant le principe de l’autodétermination, raison d’être de cette Commission dont la doctrine est la libération des peuples de la férule coloniale. Pirouette en rase-mottes. L’argument est faible. Le fait marocain au Sahara est un fait national, il n’est pas de nature coloniale. Le peuple sahraoui est une des composantes historiques, naturelles et culturelles du peuple marocain. Il est constitutif de la nation marocaine. Comme c’est le cas, probablement, du peuple sahraoui algérien. Le parachèvement de l’intégrité territoriale de notre pays et la décolonisation du Sahara marocain font l’objet, faut-il le rappeler, d’un accord international, notamment, celui de Madrid. Il est déposé entre les mains de cette même Commission .
4- La campagne de presse marocaine autorisée par certains milieux marocains est en relation avec une conjoncture diplomatique défavorable aux thèses marocaines. Dans cette perspective, l’Algérie, entre autres, est plus que jamais sujette à une double obligation de vigilance et de persévérance. Là, on devait, théoriquement, avoir peur. C’est la menace à peine voilée, à mettre directement en rapport avec la politique de surarmement algérien, contreproductive et insignifiante géostratégiquement.
Le Maroc est un allié majeur de Etats-Unis en dehors de l’OTAN. Rien n’empêche, justement, le Maroc d’aller le plus loin possible dans une politique de défense intégrée, sur la base de valeurs désormais universellement partagées, avec l’OTAN. Ce ne sont pas quelques Mig et Sukhoï russes dont l’opportunité d’achat est plus de nature, en Algérie, naturellement et traditionnellement «corruptive» que militairement «décisive» qui vont faire la différence.
Le Maroc fait une course au développement durable, à la fondation d’une vraie culture de la solidarité nationale, à la consolidation d’un authentique Etat de droit et à l’instauration d’une démocratie véritable. Pas un dirham n’ira au surarmement. Le pendant du libre-échange et la globalisation des échanges économiques auxquels notre pays fait face avec courage et détermination avec de nombreux partenaires à travers le monde est, désormais, sur le plan de la défense nationale, à trouver en synergie dans des alliances militaires globales, assumées et librement consenties en faveur de la paix, de la lutte contre le terrorisme et de la sécurité régionale et au-delà.
5- Quant au prétendu attachement du Maroc à la légalité internationale, il y a lieu de rappeler que cette légalité internationale est incarnée par le plan de règlement de 1990 et le Plan Baker de 2003. Aucun plan non conforme à une solution politique librement acceptée par notre pays et aucun règlement imposé au Maroc contre sa souveraineté sur ses provinces du Sud et son intégrité territoriale ne peuvent incarner quoi que ce soit pour nous Marocains. Cela aussi est une constante dans notre position. Elle se fonde sur une notion sacrée de la souveraineté nationale elle-même bâtie sur une souveraineté populaire opposable impérieusement à toutes les institutions qui constituent, qui forment et qui font vivre constitutionnellement notre pays. Cela est clair, me semble-t-il, pour tous, sauf, peut être, pour Abdelaziz Bouteflika.
En cinq ans de règne de S.M le Roi Mohammed VI, le pouvoir algérien n’a jamais raté une occasion pour jubiler face aux difficultés, au demeurant réelles, rencontrées dans la construction, dans notre pays, d’une presse professionnelle, libre, autonome et responsable.
Un long chemin a été parcouru dans cette voie et il reste du chemin à faire. Mais, il est pitoyable de constater que le pouvoir algérien, tout à son ignorance des réalités nationales profondes et des bouleversements utiles et féconds que connaît notre pays, continue à implorer les « autorités » marocaines d’arrêter ce qu’il appelle, d’une manière paranoïaque, une campagne de presse contre l’Algérie. Personne ne peut plus arrêter la presse marocaine dans son émancipation certes parfois brouillonne mais souvent et globalement sincère et patriote.
Les autorités marocaines et à leur tête le Chef de l’Etat expérimentent cette mutation, parfois à leur corps défendant, mais elles s’en accommodent car elles ont choisi la démocratie et la liberté d’expression comme levier pour la transformation et de la modernisation de notre vieux et noble pays. Mais en Algérie, sauf, peut-être, paradoxalement et bizarrement, Abdelaziz Bouteflika, personne ne peut le comprendre.

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