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Givet ou la lutte jusqu’au-boutiste

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Rencontre au sommet! En cette matinée du 23 mars, presse écrite et télévisions nationales étaient présentes au rendez-vous donné par les membres du Groupement des importateurs de véhicules pour l’équité tarifaire (GIVET). «Rencontre au sommet», car ce sont carrément des grands patrons d’importateurs de véhicules japonais, coréens et chinois que les médias nationaux avaient face à eux. Une belle tribune constituée de Rachid Fadouach, DGA de Smeia (Mazda), Abdelhak Laraki, administrateur d’Univers Motors (Honda), Nasreddine Obada, directeur général de Global Engines (Hyundai), Ryad Mezzour, directeur général de Suzuki Maroc, Guillaume Bélan, directeur général de Madiva (importateur multimarque de véhicules chinois et indiens), Hatim Kaghat, responsable des relations publiques de Kia Motors Maroc et, bien entendu, Adil Bennani directeur général de Toyota du Maroc. Ce dernier, en sa qualité de Président du Givet, a orchestré la présentation et principalement animé le débat qui s’en est suivi. Une présentation ficelée qui commence d’abord par donner un aperçu sur l’évolution du marché durant ces dix dernières années. Une bonne croissance à laquelle, justement, les distributeurs de marques non-européennes ont grandement participé, contribuant ainsi au «développement de la mobilité au Maroc». Tout cela, jusqu’au tassement (-9%) enregistré à fin 2009. Bien évidemment, ce n’est pas la hausse ou la baisse du marché qui était à l’ordre du jour, ce matin-là, mais bien son évolution future face à la donne économico-juridique actuelle et notamment le démantèlement douanier découlant de l’Accord de libre-échange signé entre le Maroc et l’UE. Une configuration favorable pour certains labels automobiles (les européens), mais assez préjudiciable pour d’autres (les asiatiques). Concrètement et selon le processus de démantèlement douanier enclenché depuis quelques années maintenant, le taux applicable aux importations de voitures particulières en provenance d’Europe est passé de 32,5% en 2002 à 31,5% en 2003, 30,5% en 2004, 29,6% en 2004, 28,6% en 2005, 23,7% en 2006, 18,8% en 2008, puis de 14% à 6,5%, puis 9,7% durant l’année 2009. Entre-temps et plus précisément, l’an dernier, les membres du Givet ont eu droit à un petit «geste» du gouvernement à travers un amendement  qui prévoit la réduction progressive des taux de droit de douanes (sur les modèles non-européens) à 27,5% de 2009 à 2010, puis à 25% en 2011, avant de descendre à 17,5% en 2012. Or, cette configuration somme toute déséquilibrée a, non seulement déjà conduit les importateurs automobiles asiatiques à une érosion d’environ 6% de leur part de marché en moins d’une année (2009), mais va s’accentuer dans les mois et années à venir, si rien n’est fait. «Nous sommes presque passés du profit à la perte!», a déclaré le président du Givet. «Une situation qui ressemble au triste contexte du marché automobile national durant les années 90, lorsque tous les moyens étaient bons pour surprotéger Fiat et son montage à la Somaca», rappelle l’un des membres du Givet.Histoire de montrer l’ampleur du préjudice causé par l’iniquité tarifaire, M. Bennani a présenté aux nombreux journalistes présents une simulation de deux produits similaires (véhicule 4×4), l’un européen, l’autre non. Affichés tous deux au prix final (TTC) de 400.000 DH, le 4×4 asiatique a été taxé à 27,5% obligeant son importateur à payer 72.557 DH en droits de douane, tandis que le 4×4 européen, soumis à un taux de 6,5%, n’intègre dans sa structure de prix que 17.150 DH en droits de douane. De la sorte, ce 4×4 européen génère 15% de marge à son importateur, tandis que son équivalent non-européen entraîne une perte de 2%, histoire de rester compétitif à l’acheteur final. Les exemples ne manquent pas et font ressortir un déséquilibre patent, voire absurde, sur certains véhicules, comme les utilitaires légers et notamment les pick-up qui restent une spécialité des marques asiatiques, mais aussi un outil vital de travail de petits artisans et paysans. C’est donc pour faire face à ces incongruités qu’ils présentent carrément comme une menace sur la pérennité de leur activité, que les membres du Givet ont entamé un plan d’action trilogique.  Une stratégie de sensibilisation déclinée sur trois volets : diplomatique, politique et médiatique. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les membres du Givet sont résolus à aller jusqu’au bout. Objectif : obtenir, à travers un amendement de la loi de Finances 2010, une baisse de leurs droits de douane à 10% et atteindre ainsi une relative équité tarifaire. Une démarche très active comme en témoignent les toutes dernières initiatives. Au lendemain même de ladite conférence de presse laquelle fut d’ailleurs suivie par une intervention du président du Givet sur le plateau du JT français de la deuxième chaîne marocaine, quelques rencontres diplomatiques ont été effectuées. D’abord avec l’ambassadeur sud-coréen, puis avec son homologue du Japon. Suivront des audiences auprès de quelques ministres dont ceux de l’Industrie et de l’Economie, MM. Chami et Mezouar, puis une série de rencontres avec diverses administrations (Douanes, Chambres de commerce, CGEM, Conseil de la concurrence…), mais aussi avec des conseillers et des commissions parlementaires. Bref, tout un roadshow institutionnel… Un dynamisme qui a fait réagir Patrice Ratti, le P-dg de Renault Maroc, chef de file des importateurs automobile européens (lire encadré). Maintenant que se passerait-il dans le court à moyen terme, si les revendications du Givet ne trouvent aucun écho auprès des pouvoirs publics ? On ne saurait vraiment prédire l’avenir. D’une part, les modèles non-européens seraient hors de prix et de compétitivité face à leurs équivalents venant du Vieux Continent. D’autre part, on imagine mal à quoi ressemblerait le paysage automobile marocain en l’absence de marques asiatiques… Dans les deux cas de figure, c’est le client marocain qui reste le premier perdant.


Lobbying du Givet : Les «européens»* réagissent

Dans un courrier électronique envoyé à ALM, les filiales ou importateurs de marques européennes* font part de leur position commune face à l’action du Givet. «Le Maroc a signé un large partenariat avec l’Union européenne intégrant, à terme, un démantèlement douanier total en 2012. Les accords de libre-échange sont une pratique existant dans beaucoup de marchés pour promouvoir les flux commerciaux entre les pays ayant des intérêts économiques importants et réciproques.  Le marché automobile marocain est constitué d’environ 30% de véhicules fabriqués au Maroc, 35% de véhicules importés de l’Union européenne et 35% de véhicules importés d’autres pays. C’est une structure de marché très équilibrée, surtout lorsqu’on la compare à des pays comme la Corée, la Chine et le Japon où les véhicules importés représentent moins de 5% des ventes. Plusieurs Etats ayant une industrie automobile très développée continuent à appliquer des droits de douane élevés. C’est le cas de la Chine avec 25%, du Brésil 35% et du Mexique 30%. La politique tarifaire du Maroc n’est donc pas exceptionnelle. Par ailleurs, les grandes marques automobiles asiatiques importées au Maroc profitent aussi du démantèlement, puisqu’elles disposent de sites de production en Europe et ont ainsi la possibilité d’adapter leur stratégie d’approvisionnement pour bénéficier des taux européens».


(*) Renault Maroc (Renault, Dacia), Sopriam (Peugeot,
Citroën), CAC (Volkswagen, Audi, Porsche, Skoda) et Fiat Group
Automobiles Maroc (Fiat, Fiat Professional, Alfa Romeo, Lancia).

 

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